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* CHEMIN SCABREUX

 "Le chemin est un peu scabreux

    quoiqu'il paraisse assez beau" 

                                        Voltaire 

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Publié par VERICUETOS

Photographie prise par  Ana Salas***

Photographie prise par Ana Salas***

Le saut

par Pablo Cuartas ***

Traduit de l’espagnol par Camille Le Doze ***

                                                                  

L’Homme est assis dans la capsule, d’où il contemple la rondeur de la Terre. Par la porte, il voit la grande nuit universelle, semblable à un rideau fermé, et la lumière de la Terre tournoyant dans l’horizon. Et je dis bien l’Homme, avec un h majuscule, parce que cet homme est tous les hommes, parce c’est l’humanité entière qui est en train de réaliser un rêve : avoir le monde, la sphère complète, à portée de vue. C’est le rêve qu’avait peint Vermeer, celui du géographe caressant la balle terrestre. C’est le rêve de l’enfant qui joue avec le globe, ce ballon qui tourne obstinément sur son axe. Mieux, c’est la conjonction de deux obsessions qui accompagnent, depuis toujours, l’humanité : savoir et jouer.

Né du savoir et du jeu, le saut sera ardu à la manière d’une action militaire mais éphémère comme les éclairs. De retour sur Terre, plusieurs années de recherches et de calculs ne seront plus qu’une anecdote oubliée sur le chemin qui va du toit au sol du monde. Rien n’aura été alors plus important que la confirmation, transmise en temps réel, de la non-infériorité de l’Homme à son imagination ; car tout ce qui est possible pour lui finit par devenir nécessaire. Une fois imaginé le saut d’un homme depuis la stratosphère, le saut d’un homme depuis la stratosphère se fait inévitable. Si l’Homme découvre qu’il peut dépasser la vitesse du son en chute libre, un jour, un homme éprouvera le besoin de dépasser la vitesse du son en chute libre. On ne manquera –on n’a pas manqué– d’esprits pour chercher et trouver les applications du saut qui est sur le point de s’accomplir. Mais il est vain de rechercher des raisons au-delà de ce grande déraison qu’est le jeu. Pascal a dit que l’Homme part faire la guerre parce qu’il est incapable de demeurer seul, en repos, dans une chambre. Il faudrait se demander si outre cette inquiétude, n’y a-t-il pas, simplement, un irrépressible désir de jouer.        

La Terre n’est qu’une courbe floue, à quarante kilomètres de hauteur. Cette distance, minimale au ras du sol, semble infinie lorsque nous la parcourons vers le haut. Quarante kilomètres, c’est la distance entre deux villages voisins, familiers, connus, mais combien nous sépare-t-elle de nous-mêmes, quand nous la traversons dans le sens vertical. Quarante mille mètres ne sont qu’un pas dans l’immensité horizontale de la Terre, mais comme tout devient énigmatique dès que nous les parcourons en altitude…

L’Homme est debout devant la porte de la capsule. Entre l’ascension et la chute, deux figures mythiques d’envergure, l’Homme s’attarde et regarde. Cinq ans de recherches scientifiques, et la vie en danger d’un homme qui vaut pour tous, suffiront à confirmer que la vraie récompense pour tous ceux qui quittent la Terre est de pouvoir y retourner. Et le retour étant peut-être ce qui justifie tout voyage. Une phrase rompt soudain le silence universel : « I’m going home now ». Félix Baumgartner, Icare, fait le salut militaire et saute. 

El salto

  por Pablo Cuartas

 

El Hombre está sentado en la cápsula, contemplando la redondez de la Tierra. Por la puerta ve la gran noche universal como un telón cerrado, y la luz de la Tierra que da la vuelta en el horizonte. Y digo bien el Hombre, con mayúscula, porque este hombre es todos los hombres, porque es la humanidad entera la que está cumpliendo un sueño: tener el mundo, la esfera completa, al alcance de la vista. Es el sueño que pintó Vermeer, el del geógrafo tocando la pelota terrestre. Es el sueño del niño que juega con el globo terráqueo, la bola que gira y gira terca sobre su eje. Es, mejor, la mezcla de dos obsesiones que acompañan desde siempre a la humanidad: saber y jugar.

Hijo del saber y del juego, el salto será arduo como una empresa militar y efímero como los rayos. Al volver a la Tierra, varios años de cálculos y averiguaciones serán una anécdota olvidada en el camino que va del techo al piso del mundo. Entonces nada habrá sido más importante que la confirmación, transmitida en tiempo real, de que el Hombre no es inferior a su imaginación, de que todo lo posible termina por volverse necesario. Una vez imaginado el salto de un hombre desde la estratosfera, el salto de un hombre desde la estratosfera se vuelve inevitable. Si el Hombre descubre que puede superar la velocidad del sonido en caída libre, algún hombre sentirá la necesidad de lanzarse en caída libre para superar la velocidad del sonido. No faltarán -no han faltado- quienes busquen y encuentren las aplicaciones del salto que está por suceder. Pero es vano buscar razones más allá de la sinrazón del juego. Pascal dijo que el Hombre sale a hacer la guerra porque es incapaz de quedarse a solas en su cuarto. Habría que preguntarse si además de esa inquietud no hay, simplemente, un acuciante deseo de jugar.

La Tierra es una curva borrosa a cuarenta kilómetros de altura. La distancia, mínima a ras de piso, parece infinita cuando se recorre hacia arriba. Cuarenta kilómetros es lo que hay entre dos pueblos vecinos, familiares, conocidos, pero cuánto nos separan de nosotros mismos cuando los transitamos en sentido vertical. Cuarenta mil metros son un palmo en la inmensidad horizontal de la Tierra, pero qué enigmático se vuelve todo cuando se recorren en elevación.  

El Hombre está parado en la puerta de la cápsula. Entre el ascenso y la caída, dos figuras míticas de envergadura, el Hombre se detiene y mira. Cinco años de estudios y experimentos, y la vida en riesgo de un hombre que vale por todos, están por confirmar que la mejor recompensa para quien sale de la Tierra es poder volver a ella. Y que el regreso es quizás lo que justifica los viajes. Una frase rompe de pronto el silencio universal: “I’m going home now”. Félix Baumgartner, Ícaro, hace el saludo militar y salta.

 

Nota biográfica :

Pablo Cuartas (Medellín, 1984). Ensayista. En 2009 ganó la Beca de Creación Artística de Ensayo, otorgada por la Alcaldía de Medellín, y en 2010 publicó  El rey está desnudo. Ensayos sobre la cultura de consumo en Medellín (La Carreta Editores). Otros textos suyos han sido publicados en revistas de Colombia y de Francia, entre las cuales destacamos la Revista Mundo, Universo Centro, Sociétés y Les cahiers européens de l’imaginaire. 

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