Sable d'aphasie de Harry Szpilmann
Nous avons le plaisir de vous présenter des extraits du recueil de poésie
*Sable d'aphasie* du poéte Harry Szpilmann.
(Texte original en français par Harry Szpilmann, traduit en espagnol par Zaida Olvera)
***
Cette voix prisée dans son retrait, je peux l’entendre qui se détourne vers l’aigle et vers l’agate, les mimosas, les seringuas. Elle cherche à s’ajuster dans une friction de la nature.
Elle qui retenait sa sève, qui séquestrait le corps du lierre, je peux l’entendre, si frêle mais imminente, à l’apogée de ses propres cendres.
Je peux l’entendre qui pour la première fois s’écorche dans le fouillis de l’ombre, elle qui se lie se fend enfin d’une appétence prompte à étayer le cours de sa capture.
Car, dans un désert si lent, que ne risquerait-elle pas à remuer le ciel, à renverser l’humus, à secouer le sable de son aphasie ?
A esta voz codiciada en su repliegue, puedo escucharla, tornándose hacia el águila y el ágata, hacia mimosas y seringas. Buscando acomodarse dentro de una fricción de la naturaleza.
A ella que retenía su savia, que secuestraba el cuerpo de la hiedra, puedo escucharla, tan frágil pero inminente, en el apogeo de sus propias cenizas.
Puedo escucharla rasgándose por vez primera en la espesura de la sombra, a ella, que se enrosca se resquiebra finalmente, ávida por ahorquillar el cauce de su captura.
Pues en un desierto tan lento ¿Qué no arriesgaría ella para remover el cielo, para volcar el humus, para sacudir la arena de su afasia?
*
Ce qui le force et qui l’oblige est sans présence.
Un déploiement sans ombre, plaine de geysers sans confins. Qui se lient dans ses veines comme l’oxygène relève du feu. L’aride et l’abondant, la sobriété du vivant.
Ainsi prise dans la catastrophe qui l’élimine en l’enjoignant, la fragile existence de tout étant s’élève à la limite, la bombardant, la franchissant à l’embrasure d’un plan où le seigle et le schiste, les trembles et la myrrhe entament l’alliage de leur essence.
Lo que lo fuerza y lo obliga es sin presencia.
Un despliegue sin sombra, llanura de manantiales sin confín. Que se lían en sus venas como el oxígeno incumbe al fuego. Lo árido y lo abundante, la sobriedad de lo viviente.
Atrapada así en la catástrofe que la elimina y la conmina, la existencia frágil de cada cosa se eleva hasta el límite, la hostiga, la atraviesa hasta el resquicio de un plano en donde el centeno y el esquisto, los álamos y la mirra, inauguran la aleación de sus esencias.
*
Que le poème ici se fende d’une disruption
afin que la lavande puisse faire entendre
sa sobre revendication.
Que el poema se hienda aquí de un quiebre
para que la lavanda de a oír
su sobria reivindicación.
*
Même si difficilement, nos diaphragmes se soulèvent aux dimensions de l’herbe, de l’eau, s’élèvent à l’avènement d’espaces, de prises, de pierres captieuses, toujours s’apprêtent à expirer ce peu de résidus d’un souffle en perte de vitesse.
Même si laborieusement s’écrit par immersion, suffocation, désœuvrement…
Aunque con pena alcancen nuestros diafragmas las dimensiones superiores de la hierba, del agua, con pena se eleven hacia el advenimiento de espacios, de arriaz, de piedras capciosas, siempre están dispuestos a expirar ese parco resto de soplo menguante.
Aunque con pena, se escribe por inmersión, sofocamiento, desarraigo…
*
Il reste encore dans l’ombre de l’épis nombre granules, nombre flocons aux plaies ouvertes. Suffisamment d’influx fortuit pour dégager ton sang et saouler ta salive. Ces vrilles œuvrant sous la poudreuse, les renoncules qui se révulsent, ces chrysalides que l’on entend suinter sous les escarres : ne sont-ce pas là appels à périlleuses pépites, à s’associer les myrtes pour épauler l’hiver mutique ?
Todavía quedan, a la sombra de la espiga, raudales de pequeños granos, raudales de copos con llagas abiertas. Suficiente flujo fortuito para despejar tu sangre y embriagar tu saliva. Zarcillos que obran bajo la polvareda, ranúnculos conmocionados, crisálidas oyéndose rezumar bajo las costras: ¿No son todo ello convites a peligrosas pepitas, a que se asocien los mirtos para amparar al mudo invierno?
*
Par la baratte de l’air
et les rafales d’un alphabet
proscrit
ces écritures –
détonations dans l’immobile,
essaiment à la lavande,
à la poussière
des bris d’espaces, des serres,
une ligne de vol
drainant la terre
du vide
accumulé au bas des pierres.
Con el batir del aire
y ráfagas de un alfabeto
proscrito
escrituras –
detonaciones en lo inmóvil,
dispersan en la lavanda,
en el polvo
fracturas de espacios, de garras,
una línea de vuelo
drenando la tierra
del vacío
acumulado al ras de las piedras.
*
Dans les soudures de soleil nu,
l’armoise et la bruyère,
voyantes,
entament l’espace intermédiaire,
excisent du sol leur soif,
leurs feuilles
au revers desquelles s’épuise
le texte
pris au piège
de leur sécheresse.
En las junturas de sol desnudo,
la artemisa y el brezo,
clarividentes
abren el espacio intermedio,
extirpando del suelo su sed,
sus hojas
y a su reverso se fatiga
el texto
preso en la trampa
de su aridez.
*
"Sable d'aphasie" fut initialement publié par les éditions du Taillis Pré.
Harry Szpilmann (Belgique 1980) est l’auteur de "Sable d’aphasie" (prix Emile Polak 2012), "Ces espaces à la base", "Les rudérales", "Liminaire l'ombre", et "Du vide réticulaire" (à paraître prochainement). Ses textes ont en outre été publiés dans une quinzaine de revues. Lauréat de la bourse de poésie SPES 2015, photographe amateur et traducteur à ses heures, il vit actuellement à Mexico City, où il se consacre à l’écriture.