Poésie de Françoise Coulmin
*Dans le cadre du Troisième Festival pour la Paix en Colombie, la revue virtuelle de Vericuetos a l’honneur de publier les poètes participants au récital poétique. Françoise COULMIN est notre première invitée.*
POESIE DE FRANÇOISE COULMIN
JE LE FERAI
Je voudrais faire un poème
puissant
un poème de hurlement contre le cri
nu contre le dénuement
violent contre la violence
saccadé des dernières prostrations
sur une barque grillée de soleil
un poème d’esclave contre les nouveaux maîtres
et d’impuissance
contre toute nouvelle super puissance
de pauvreté contre la corruption
de gosse floué qui vieillit sans avenir.
Un poème terrible
de peur de souffrance
et de soumission
qu’on écartèlerait
sur les murs et les barbelés de la honte
éventré comme un grabat ensanglanté
un poème insensible
comme une kalachnikov
et provocant comme un paradis fiscal
un poème de désinformation
et d’abêtissement
de napalm et d’irradiation
contre tous les hyper religieux.
Un poème d’onguents de baumes
et de paroles
comme celles
murmurées à l’oreille des enfants
un poème humble
de grande dignité
qui manierait l’humour et le rire
et qui ne serait plus sur le qui-vive
clamant au vent comme une torchère
fou comme une danse de retrouvailles
et sans colère
Un jour je le ferai.
Françoise Coulmin. In Pendant qu'il est encore temps,
(Le Temps des Cerises, 2008/2012).
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
PRENDRE SOUFFLE
14
Quand le soir dos gelé
on réchauffe ses doigts aux pommes sous la cendre
échafaudant l'itinéraire incertain des demains
dans la hâte de lier
de recueillir pour la relire
cette parole fraternelle
Langage muet
qui a dû perdurer au fond des cœurs
retrouvé déchiffré accepté comme baume sur plaie
20
Rien maintenant ne peut plus entraver
ces remontées de l'incréé
jusqu'à l'avènement de l'incroyable
resté tapi des ans dans les prisons de honte
et aussi et encore
dans le merveilleux des voix humaines
qui savent et la plainte
et l'exultation
Françoise Coulmin. Extraits 14 et 20.
In Prendre souffle, La Feuille de Thé, 2015.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
ORATORIO, extraits :
1 : l'Amante
Laisse-moi reposer
fatiguée qui ai creusé mon gîte
aux sables
le nez dans les fourmis
1 : l'Amant
Laisse-moi te parler
émouvante quand tu gis apaisée
endormie
petit caillou de lune
32 : le chœur
Je t’affranchirai,
silencieuse,
de la malignité, de la machination,
de toute soumission, des manies mâles, des venimeuses,
de nos erreurs,
des drogues les plus bénignes.
Je serai l’antidote farouche, l’indocile orgueilleux,
inservile,
audacieuse craintive,
séductrice,
pour vaincre, échapper, nous enfuir et nous fondre.
Résolus, résolus, interdits.
Françoise Coulmin. Chants 1 et 32.
In Errer appartenir, oratorio, La feuille de Thé, 2014.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
ENFANCE
36
Fouiller, creuser, là où se joue la tentation de déposer les armes,
la rage de survivre au ventre. Encore la mer et les chevaux,
trop puissante, trop fougueux. Parentés exigeantes, méprisant
insensibles, la fuite des chimères.
58
L’écume des tempêtes
façonne nos refuges.
Bulles de vent,
barrières immatérielles.
As-tu gardé au ventre
la force de dire
NON ?
Françoise Coulmin. Extraits 36 et 58.
In Guérir d'enfance, L'Harmattan, 2012.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
ABÉCÉDAIRE
Le E comme dans Empoisonnement, Écrivain
L’Empoisonnement est l’introduction - délibérée ou pas – de substances toxiques dans un corps pour le pervertir ou le faire mourir.
Ainsi :
La vie littéraire est empoisonnée par les médias et l’argent.
La littérature est pervertie en ce sens que ce n’est pas la valeur littéraire propre et sale
d’un écrivain ou d’une Eauteuse qui intéresse mais leur valeur médiatique marchande :
À grand battage, grande vente,
À grande vente, grand auteur,
La poésie ne bénéficiant pas de publicité, elle se vend très mal.
Se vendant mal, elle est de petite hauteur.
Un poète
De faible hauteur
Est donc un petit Écrivain.
La femme étant encore plus petite que l’homme …
Françoise Coulmin. In Tous les hommes sont des poètes, abécédaire,
Le temps des cerises, 2002.
------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
LUCY
Lucy, fossile hominidé d'Afrique, que le hasard des fouilles donnait
comme étant notre plus vieil ancêtre (environ 3,2 millions d'années).
Je suis kurde sémite arménien sumérien grec hittite
je suis de ces exodes et je marche
à la quête en poussant mes troupeaux loin
des démons qui me poursuivent et m'assaillent
et me brûlent
Je suis les battements - percussion d'un cœur à corps
rythmes qui m'entrechoquent
soulevant une à une toutes les peaux successives
du moi des âges
souffles qui se relaient
Moi Lucy ultime couchée long la grande femme Afrique
premier homme
crâne ouvert aux étoiles
penché sur cet Orient qui me ramène mongol et perse
haletant aux espaces
Ces rivages me pèsent j'assaillirai les astres et aussi
les soleils
je traquerai le nègre je parquerai l'indien je suis
l'arme virus l'alpha laser l'anti cellule
le radical extrême
Je te ferme les yeux dans la puanteur des bouches
à sourire
étais-tu moi carnage perdu dans une cause
qui n'était pas la mienne armé sans réfléchir
remonté d'eaux profondes ventre enflé,
Je me consume je me transperce au sabre
je suis douce sati
eunuque pour te garder je suis galérien cotonnier mineur d'éponges
diamantier sucrier gabellier mangeur d'ordures
et prostitué
Tu te serres contre moi je m'accroche à tes tripes
cachés dans ce charnier
tu me parles en des mots que je ne comprends pas
j'ai cru te reconnaître à la dernière lueur de l'aube
en ce stade
Je suis le gosse enfoui séisme après séisme
l'enseveli des boues
je ne saigne plus je sèche au vent
je sèche aux mouches j'essuie ma pourriture
à ma terre à mon sable
Lucy tu me regardes pétrifiée insensible
nonchalamment figée
aussi indifférente que la nuit à ma peur
Lucy ma mère Lucy mes fils
inexorable.
Françoise Coulmin. In Pour durer.
Le Dé bleu/Les Écrits des Forges (Fr/Québec, 1993).
------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Note bibliographique de Françoise COULMIN.
Poéte de Noramandie. Fut peintre et géographe.
"Poète de combat et de résistance, reste un électron libre et rebelle".
13 recueils publiés :
- Pour durer (Le Dé Bleu/Les Écrits des Forges, Fr/Québec, 1993),
- Entrer rebelle en ère de deuil (La Bartavelle, Fr, 1997),
- Mais de ce qui se perd (L'Arbre à Paroles, Belgique, 1998),
- Tous les hommes sont des poètes (Le Temps des Cerises, 2002),
- Le monde saigne devant toi (Le Temps des Cerises/Les Écrits des Forges, Fr/Québec, 2006),
- Quelques méchancetés moins une (L’Harmatan, 2011),
- Guérir d'enfance (L’Harmatan, 2012),
- Pendant qu’il est encore temps (Le Temps des Cerises, 2012),
- Petit matin (La Feuille de Thé, 2012),
- Des pas rythmés par la mémoire (Éditions Henry, 2014)
- Errer appartenir (La Feuille de Thé, 2014),
- Prendre souffle (La Feuille de Thé, 2015).
A réuni 3 anthologies poétiques :
Et si le rouge n’existait pas (67 auteurs, Le Temps des Cerises, 2009),
Nous la multitude (107 auteurs, Le Temps des Cerises, 2011),
Liberté de créer, liberté de crier (99 auteurs, Éditions Henry, 2014).
- Figure dans une quarantaine d’anthologies et dans de nombreuses revues (papier et en ligne), tant en France qu’à l’étranger.
- Plusieurs collaborations avec plasticiens et compositeurs.
- Prix international de poésie 2012, Antonio Vicarro.
- Sociétaire de la Société des Gens de Lettres (SGDL), du PEN Club français, du World Poetry Movment (WPM) …
------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------